Nous présentons notre édition limitée Archiv Collection, une nouvelle collaboration entre Pamono et KPM


La marque du fabricant

Par Emma Lucek

En montant l'escalier en linoléum, semblable à ceux qu’on trouve dans les écoles, et en pénétrant dans le couloir tranquille des ateliers d'artistes de KPMnous ressentons un changement subtile d'atmosphère qui tranche avec l’élégance contrôlée qui se dégage du rez-de-chaussée, là où se trouvait le four de la manufacture. Nous sommes accueillis par Astrid Schulz, qui lève ses yeux du vase sur lequel elle travaille au moment où nous arrivons.

Nous pénétrons alors dans une salle longue et étroite avec huit bureaux disposés près des fenêtres. Chaque espace de travail est divisé par des étagères surchargées d'un mélange éclectique de céramiques qui attendent d'être peintes. La lumière oblique du matin projette des ombres de récipients et de figurines sur le sol. Astrid est l'artiste qui peint à la main la collection de vases faisant partie de la nouvelle collaboration entre Pamono et KPM.

La collection Pamono x KPM Archiv comprend quatre modèles que notre propre rédactrice en chef, Wava Carpenter, a sélectionné parmi les archives de KPM - des modèles qui n'ont pas été produits par KPM depuis le siècle dernier, entre 1908 et 1951. Chacun des quatre récipients à l’aspect Art Déco est proposé en exclusivité sur Pamono dans une édition collector de cinq exemplaires. Wava a été attirée par ces designs uniques - choisis parmi des centaines d’autres - parce qu'ils représentent un moment inhabituel dans la longue histoire de KPM, qui, explique-t-elle, « embrasse une tendance vers une abstraction graphique moderne mais qui reste glamour et vibrante. » Elle ajoute : « Les palettes de couleurs ont peut-être près de cent ans, mais elles sont étonnamment contemporaines. »

Au cours de notre visite nous apercevons des pièces de la collection Archiv, à différents stades de production, se trouvant sur le bureau d'Astrid. Le vase sur lequel elle travaille actuellement - celui en forme d'oignon conçu par Trude Petri en 1935 - présente un caractère Art Déco particulier. Le bureau en L d'Astrid est parsemé de pinceaux très fins, d'éponges, de pigments, de dessins annotés de marquages précis, et du « gabarit » qu'elle a créé pour le vase à portée de main. Ce gabarit est composé de rubans de papier de riz qui définissent les distances entre les lignes horizontales du dessin organique tourbillonnant autour des courbes du vase. En dehors de ce guide, le reste du processus de peinture dépend beaucoup de sa main ferme, de sa mémoire musculaire, de ses gestes entraînés et confiants, et de la nature indulgente du processus de peinture. Tout ce qui n'a pas encore été cuit peut être essuyé avec de l'alcool distillé. Astrid, avec ses 35 ans d'ancienneté chez KPM, n'a pas besoin de faire beaucoup d’essais.

Astrid nous informe des températures du four, des techniques de peinture dans l'espace négatif et de la consistance de l'émail. Je la regarde debout dans son atelier, au milieu du chaos artistique et des pièces en céramique. Derrière elle se trouve une grande étagère surchargée, remplie de ce qui semble être les modèles KPM préférés d'Astrid. Je demande pour confirmer. Elle précise alors en plaisantant que ses pièces préférées sont parties  il y a longtemps. Sur une note plus sérieuse, elle nous dit qu'elle est particulièrement fascinée par les variations des pigments bleus et la manière dont les différentes températures de cuisson influencent la netteté des contours de la couleur. Un défi de notre collection qu'elle a tout particulièrement apprécié a été de recréer l'intensité des pigments utilisés dans les dessins originaux : ils étaient faits à base de plomb et ne sont donc plus autorisés aujourd’hui.

Une peintre professionnelle et passionnée, Astrid faisait partie des 400 candidats qui se sont disputés un poste dans les ateliers de peinture de KPM lorsqu'il y a eu une offre de postes en 1983. Elle a été acceptée comme l'une des huit candidats retenus, bien qu'elle n'avait jamais peint sur des objets en trois dimensions. Elle nous dit que la seule chose à laquelle elle devait s'adapter lorsqu'elle changeait de médium était d'apprendre à positionner les objets pour peindre dessus. Son voisin de table  fait des mouvements vers un engin en métal recouvert de mousse à côté de son bureau. Ce procédé permet de préparer la céramique - délicate, ronde, et parfois de forme maladroite - pour la peinture.

Chacun des 35 peintres de KPM a une spécialisation : floral, paysage, figuratif, ou ce qu'Astrid appelle « le décor.»  Le terme fait immédiatement penser à une large gamme de motifs, ce qui est le cas, mais ce terme est surtout employé pour désigner des dessins de surfaces qui ne représentent pas la réalité. Il s’agit de la section abstraite et graphique - la favorie de Pamono.

Il est intéressant de noter, cependant, qu’il ne s’agit pas nécessairement de la plus populaire parmi la large clientèle de KPM. L'esthétique classique, opulente, élaborée, chargée d'or, rococo, est toujours très populaire sur les marchés russe et asiatique, à qui le catalogue qui nous est présenté s'adresse principalement. On y trouve des sous-titres en chinois, coréen, japonais et russe. Les collections classiques de KPM comprennent des modèles de la fin de la période Art Nouveau, des pièces du service favori de Frédéric le Grand et la collection florale royale de 1767. Ces pièces sont encore offertes en cadeau par le maire de Berlin et d'autres diplomates locaux à des dignitaires en visite.

La collection Pamono x KPM Archiv Collection Photo © Ramtin Zanjani pour Pamono
Ce qui ne veut pas dire que KPM est figée dans le passé - l’entreprise a produit une série de collections contemporaines, aux lignes épurées et à l'ornementation minimale, ainsi que des collections récentes de la ligne KPM+, qui vise à maintenir l’entreprise à jour grâce à des collaborations avec des artistes berlinois reconnus. Leur collection la plus récente est Planétarium de Mark Braun qui est inspirée du cosmos.

Il est  assez inhabituel qu’une usine de fabrication de porcelaine se trouve au milieu d'une grande ville mais KPM fait exception à la règle : la manufacture se situe dans le quartier animé de Charlottenburg, à l'ouest du poumon vert de la ville qu'est le Tiergarten. Originaire de Berlin, Astrid, ne peut pas imaginer ce siège social dans une autre ville. La capitale allemande et KPM sont liées depuis longtemps : en effet, l’entreprise a toujours été établie  à Berlin et son bâtiment s'intègre parfaitement dans le quartier.  Bien qu’il s’agisse d’une entreprise privée, le nom que lui a donné le roi prussien Frédéric II en 1763 - Königliche Porzellan Manufaktur Berlin - est toujours en vigueur ainsi que le symbole royal du sceptre de cobalt. Pamono, une entreprise de design berlinoise beaucoup plus jeune, se réjouit de participer à l'histoire de cette institution emblématique. C’est avec grand plaisir et privilège que nous avons collaboré avec elle et certains de ses artistes talentueux pour produire  la collection Pamono x KPM Archiv.

  • Traduit par

    • Audrey Kadjar

      Audrey Kadjar

      Née aux Etats-Unis dans une famille française, Audrey a grandi dans plusieurs pays. Avant de rejoindre Pamono, elle a étudié l'histoire de l'art à Londres et a travaillé dans le secteur culturel. Quand elle n'est pas occupée à rédiger des profiles de designers, elle écrit pour des magazines culturels, travaille sur son zine experimental ou sur ses projets d'art et de photographie.

  • Texte par

    • Emma Lucek

      Emma Lucek

      D'origine polonaise, Emma est née au Royaume-Uni et vit actuellement à Berlin. Elle a reçu une formation axée sur la recherche et le design. En plus d'aider Pamono à dénicher des vendeurs géniaux, elle travaille également sur des textes critiques dans les domaines de l'art, l'architecture, la théorie culturelle et le journalisme du design.

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