Les poupées Kachina enchantées des Indiens Hopi


Esprits matérialisés

Par Jennifer Scanlan

Dans la mythologie des Hopi, une tribu d’Indiens d’Amérique vivant dans l’Arizona, un Kachina est un esprit qui sert d’intermédiaire entre le monde naturel et le monde spirituel. Les Kachina rendent visite aux Hopi pueblos à certains moments de l’année pour interagir avec eux et répandre des vœux, comme la pluie ou la fertilité de l’agriculture. En retour, elles reçoivent des cadeaux comme des plumes de prières ou du pollen de maïs.

Il y a plus de 450 Kachina dans le panthéon Hopi. Ils englobent les esprits ancestraux ainsi que des éléments naturels, comme des plantes, des animaux, et certains aspects météorologiques. Revêtant des costumes, des peintures corporelles et des masques, les membres masculins de la communauté permettent la présence des Kachina à travers des danses rituelles.  Des masques en cuir, peints et décorés avant chaque danse pour représenter un Kachina, sont souvent grattés et nettoyés après les représentations.

Ce sont traditionnellement les même danseurs qui fabriquent les poupées Kachina, aussi appelées tithu par les Hopi, et les donnent aux jeunes femmes de la tribu, souvent des membres de leur propre famille. Sculptées à partir de racine de peuplier et décoré pour ressembler à un Kachina spécifique, les tithu sont suspendus par une ficelle aux plafonds des habitations pour rappeler les forces spirituelles qui constituent le monde des Hopi. La poupée exposée dans cet article est réalisée par Wilson Tawaquaptewa (1871-1960), l’un des rares sculpteurs Hopi à être identifié par un nom. Tawaquaptewa était originaire d’Oraibi, Third Mesa, en Arizona; le plus grand village Hopi. Devenu chef du village et prêtre, il occupa un rôle important dans les rituels Kachina.

A partir des années 1920, Tawaquaptewa se mit à réaliser des poupées Kachina et d’autres créations pour les touristes, qui, attirés par les voyages en train abordables et par la beauté des coutumes des Indiens d’Amérique, arrivaient dans le Sud-Ouest en grand nombre. Les poupées constituaient un revenu significatif pour les Hopi. Bien qu’utilisant les matériaux et techniques traditionnels de sa tribu, Tawaquaptewa ne reproduisait pas les visages des Kachina sur les pièces destinées à la vente, ce qui aurait été à l’encontre des valeurs Hopi. A la place, Tawaquaptewa combinait des motifs traditionnels à des éléments de sa propre imagination, pour créer des oeuvres uniques.

La poupée exposée ici montre plusieurs caractéristiques clés du style très graphique de Tawaquaptewa. Ses couleurs sont brillantes, avec des tons ocres chaleureux et des marrons patinés mais bien présents ; les coupes du costume, en particulier l’écharpe autour de sa taille (un élément important du costume des danseurs Kachina), sont divisés par de larges bandes noires. Alors que les Kachina traditionnelles ont des motifs géométriques qui représentent des éléments comme des montagnes ou des nuages, Tawaquaptewa décora cette écharpe de points. De cette manière, il évoque les traditions des Hopis, sans trahir leurs secrets, préservant sa tribu tout en exprimant sa propre vision artistique.

  • Text by

    • Jennifer Scanlan

      Jennifer Scanlan

      Jennifer is an independent curator, writer, and teacher specializing in contemporary art and design. She loves food, travel, and her home city of New York. You can also follow her on Twitter @JenScanNYC