Inspirés par la musique cubaine, deux jeunes designers déterminés présentent Vibra


Made in Havana

Par Anna Carnick

Les relations entre Cuba et les Etats-Unis sont en perpétuel mouvement, et les médias nous parlent de plus en plus de cette nation insulaire à la culture incroyable. Attisés par la curiosité, nous avons décidé d'aller voir Cuba par nous-mêmes.

Notre rédactrice en chef, Anna Carnick, a rencontré plusieurs designers à La Havane. Elle est rentrée avec des constats intéressants sur Cuba : un sentiment d'optimisme prudent, mélangé avec une anxiété accrue à l'égard de l'avenir. Mais aussi de la débrouillardise face aux obstacles en constante évolution, et une éthique de travail apparemment infatigable. Première étape : la rencontre de deux de nos designers cubains préférés, les jeunes RaikoValladareset José Antonio Villa Sené.

Le duo vit et travaille dans une simple maison en stuc décorée avec des plantes en pot, dans le quartier de Miramar à La Havane. Âgés d’une vingtaine d’années, les deux designers ont débuté leur collaboration alors qu’ils étaient encore étudiants au Instituto Superior de Diseño (ISDI) de La Havane et ont lancé leur premier projet mobilier en 2015 : la collection de chaise Vibra (ou Vibration en anglais). Inspirés par la musique cubaine, les trois modèles Emptiness, Duet et Box évoquent la forme des instruments à cordes. Comme nous l’explique Raiko Valladares, «Vibra est une traduction visuelle de sons en trois dimensions.»

Les designers composent chaque chaise avec des élastiques tissés à la main et des cordons en plastique enroulés autour de cadres en métal courbé, fabriqués à partir d’acier recyclé. Dans le contexte d’un pays où de nombreux matériaux sont difficiles, voire impossible à trouver, ce type de cordon est très commun et est habituellement utilisé pour faire sécher le linge dans les blanchisseries (bien que selon Raiko Valladares et José Antonio Villa Sené, il soit seulement disponible en rouge, vert et bleu). Il est également très confortable, solide et flexible, ce qui permet aux designers de créer des formes inédites, ce qui est précisément ce qu’ils avaient prévu de faire. « Nous voulions créer une nouvelle marque made in Cuba que les Cubains pourraient aimer. » Alors qu’ils ont seulement fabriqué quelques chaises pour le moment, ils ont déjà reçu de nombreux retours enthousiastes. Le duo a donc commandé des chaises à des artisans de la communauté locale.

Valladares and Villa, photographed in front of their Havana home studio. Valladares and Villa in Havana Photo © Anna Carnick
Ils ont également enrôlé leur ami et photographe Carlos Otera Blanco, qui a réalisé les photos de leur travail. Ils ont choisi de disposer Vibra à l’intérieur d’une station de tramway abandonnée et au sommet d’Iron Bridge à La Havane. Le premier lieu a été choisi pour « montrer le contraste entre les ruines et le nouveau ». Quant au deuxième (photographié malgré le trafic venant en sens inverse) , « pour annoncer que peu importe les obstacles, nous travaillons et de nouvelles choses sont à venir. »

Quand on les interroge sur leurs objectifs, ils déclarent espérer que leurs designs vont dynamiser la scène design cubaine, tout en célébrant la culture locale, les matériaux et l’artisanat.  Parce que les matériaux sont rares, et qu’accomplir ces objectifs « implique souvent beaucoup de sacrifices » (dans ce cas, les designers ont utilisé leurs économies pour faire de Vibra une réalité), terminer un projet est un accomplissement. « Vous appréciez d’autant plus. A Cuba, le produit final a une saveur particulière. »

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    • Anna Carnick

      Anna Carnick

      Anna est la Rédactrice en Chef de Pamono. Ses textes ont figuré dans plusieurs publications d'art et de culture et elle a rédigé plus de 20 livres. Anna aime rendre hommage aux grands artistes et elle apprécie tout particulièrement les bons pique-niques.